La moustache
De : Emmanuel Carrère Avec : Vincent Lindon et Emmanuelle Devos
Sortie France le : mercredi 6 juillet 2005
France, 2004, 1h26.
Festival de Cannes 2005, sélection Quinzaine des réalisateurs.
Prix Label Europa Cinéma.
Un film pour frissonner en douceur, qui nous emmène au limite de la raison et de la folie dans nos rapports avec les autres avec une belle construction et une belle performance de Vincent Lindon en homme bousculé dans ses fondements. |
Il y a les hommes à moustache et les hommes sans moustache. il y ales femmes qui préfèrent les hommes avec et celle qui préfèrent sans. La plupart du temps, la moustache n’est pas un problème. Mais lorsque Marc se rase la moustache, il tombe directement dans un univers infernal, comme si ces quelques poils le protégeaient jusqu’alors de la folie. Dans son entourage, personne ne remarque qu’il s’est rasé la moustache mais tous, y compris sa femme, le trouvent étrange et s’inquiètent sérieusement pour sa santé mentale.
Le nouveau film d’Emmanuel Carrère est une histoire étrange, racontée avec une précision diabolique qui finit par faire douter le spectateur. Une boucle infernale, menée tambour battant entre la France et Hong Kong, qui se referme avec une redoutable imprécision. Une histoire dont le personnage principal, Marc, fait les frais. A travers lui, on réalise à quel point notre mémoire est infaillible et nos souvenirs imprécis. On aime vérifier une photo pour se réconforter. Mais ne voit-on pas souvent que ce qu’on a envie de voir ? Les autres aussi sont source d’inquiétude puisqu’ils ne se rappellent pas les mêmes choses que nous, qu’on ne sait jamais avec certitude quand ils nous mentent, avec intention ou par oubli. Bref, La moustache nous embarque dans une succession d’incertitudes et, en poussant les limites de la raison , frise avec la folie pure.
Dans sa fuite et son désir de comprendre, le héros s’envole pour Hong Kong et le film entre alors dans une dimension presque onirique, sans doute la plus réussie du film. Marc se laisse ballotter entre deux eaux, prenant inlassablement le ferry qui relie une île à l’autre, comme s’il cherchait dans ces allers et retours inutiles à dissoudre ses craintes et à trouver les preuves impalpables de sa raison et de son existence. Ou comment, dans un autre paysage où on n’a plus rien à prouver, plus rien à montrer à ceux qui nous connaissent, on peut renouer les fils de sa propre vie. Vincent Lindon donne, à ce personnage entrain de se défaire mentalement, tout le flou et le décalage qui lui est nécessaire, tout en restant en toutes circonstances un homme sur lequel on peut compter, en qui on a confiance.
Magali Van Reeth |
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