Les âmes grises
De : Yves Angelo Avec : Jean-Pierre Marielle, Jacques Villeret, Marina Hands, Denis Podalydès
Sortie France le : mercredi 28 septembre 2005
France, 2004, 1h46
Un film qui ne raconte pas la guerre mais qui montre les rouages d’une société en guerre où les drames et l’injustice dépassent tous les personnages. |
Inspiré du roman du même titre de Philippe Claudel, Les âmes grises est un film aux couleurs d’automne. L’action se déroule pendant la Première guerre mondiale, tout près du front. La brume des canaux donne des frissons, le canon des tranchées, si proches, fait trembler les verres, les hommes en guerre sont au bord de la folie et les femmes amoureuses sans cesse aux aguets. Mais plus qu’un film sur la guerre, Les âmes grises montre la fin d’un monde, celui de l’Ancien régime où les nantis avaient tout pouvoir sur les pauvres et qui a perduré, au quotidien, bien au-delà de la Révolution française.
C’est l’histoire d’un meurtre dans un village, où les petites gens osent à peine parler au juge ou au magistrat, encore moins au colonel. C’est l’histoire d’un monde où les déserteurs étaient forcément des meurtriers et les notables jamais inquiétés, même par leurs pires ennemis. Un monde et des histoires où la vérité importe peu puisque les coupables sont désignés d’avance. Aussi Les âmes grises ne déliera pas tous les fils de ses intrigues croisées, car le drame est ailleurs. Ce n’est pas le coupable qui a de l’importance mais les rouages de cette société en plein bouleversement. Embourbée dans une des guerre les plus meurtrières de son histoire, elle envoie ses jeunes gens les plus performants se faire tuer tout en criant vengeance.
Le film est aussi traversé par des femmes lumineuses, mi-fantômes, mi-chimères, à jamais figées dans la rondeur d’un cadre en bois, qu’elles aient 10 ou 20 ans. Si les femmes n’allaient pas au front, elles portaient en elles tous les désirs des hommes, tous les espoirs d’un monde nouveau prêt à renaître d’elles, au propre comme au figuré. Avec la fin de la guerre, elles vont repeupler la France et tenir dans la société les places qu’elles avaient occupées pendant l’absence des hommes.
Les âmes grises a la couleur de tous ces deuils et la tristesse sans désespoir de ceux qui ont compris l’étendue de ce qu’ils avaient perdu.. A l’image du magistrat interprété par Jean-Pierre Marielle. Un nanti qui sait juger ses semblables et qui n’a pas peur de la mort pour l’avoir si souvent convoquée. Résigné, il sème des indices et se tait sur l’essentiel. Car l’essentiel est toujours ailleurs.
Magali Van Reeth |
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