La mauvaise éducation
De : Pedro Almodovar Avec : Gael Garcia Bernal, Fele Martinez, Javier Camara
Sortie France le : mercredi 12 mai 2004
Espagne, 2004, 1h50
Ouverture du Festival de Cannes 2004
sélection officielle, hors compétition
sortie en France le 12 mai 2004
Un film provocateur qui bouscule l’idée du bien et du mal à travers les désordres affectifs de personnages hors normes. Intimiste et exacerbé ! |
Dans tous les films du réalisateur espagnol Pedro Almodovar, on peut voir quelques constantes, ce qui est inhérent à tous les créateurs. Ce qui fait la touche particulière de Pedro Almodovar, c’est sans doute cette capacité à jouer avec le mauvais goût, à le torturer jusqu’à l’extrême, jusqu’à le hisser au niveau du génie. Travaillant toujours à la limite de l’effondrement, au bord du gouffre de l’humanité, en équilibriste à la frontière du bien et du mal, il montre ainsi non seulement son talent mais aussi, en sauvant son film et tous les personnages qui le traversent, il sauve le monde de l’effondrement…
Ainsi, La mauvaise éducation, dont l’action se situe dans les années 70, montre des décors aux coloris exacerbés dont les tâches de couleurs criardes finissent par déteindre sur le moral de ceux qui l’habitent. Une chemise violette ou une robe vert épinard, ça met tout de suite mal à l’aise, surtout portées sur un canapé en velours marron fatigué, éclairé par le halo orange d’une lampe globulaire. Juste un arrière-plan déstabilisant pour installer les personnages de l’histoire. Eux aussi frisent le mauvais goût et le désespoir de l’humanité : travesti junky, prêtre pédophile, maître chanteur, assassin, acteur au chômage, amoureux éconduit, cardiaque, menteur et même le jeune homme riche épuisé par sa solitude et sa mélancolie. Tous se retrouvent et se croisent dans cette Mauvaise éducation qui, avant d’être un réquisitoire contre les boites à curés d’un autre âge, est le douloureux et maladroit apprentissage d’une vie commencée dans le drame et la souffrance.
Dans La mauvaise éducation, le mal comme la souffrance son corollaire, sont présents partout et dans tous. Aucun personnage n’est exempt de lâcheté. La souffrance, vécue dans le passé ou dans le présent, ne permet plus de discerner le bien du mal. Tous les personnages sont au bord du chaos, en équilibre dans leur vie et leur bonheur. Pourtant dans cette faille même entre le bien et le mal, entre la souffrance et le désir de liberté, tous les personnages sont sauvés par une étincelle où jaillit leur humanité. Même celui qu’on appelle « le méchant du film », et dont la haute silhouette sombre finit par devenir pathétique, et donc pitoyable, tant son désir d’amour et de plaisir est incontrôlable.
Voilà où réside le talent de Pedro Almodovar. Dans des vies brisées, des visages hors des canons habituels de la mode, des couleurs qui crient le dégoût, il parvient à nous montrer la grâce et l’espérance. Ce film, provoquant dans sa vision du bien et du mal, qui traite des désastres de l’enfance et des désordres de l’âge adulte, est à déconseiller aux enfants.
Magali Van Reeth |
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