Le grand voyage
De : Ismaël Ferroukhi Avec : Nicolas Cazalé, Mohamed Majd, Jackie Nercessian
Sortie France le : mercredi 24 novembre 2004
France/Maroc, 2004, 1h48.
Prix Lion du futur à Venise, pour la meilleure première oeuvre.
Obligé de partir à la Mecque, Réda, 20 ans, va découvrir un autre monde dont il ignorait tout mais surtout, engager enfin un dialogue avec celui qu’il côtoie depuis si longtemps sans le connaître, son père. |
Chaque voyage est unique parce qu’aucun voyage ne se résume à un itinéraire mais se façonne en fonction des compagnons de voyage et des rencontres. Pour son premier long métrage, Ismaël Ferroukhi ajoute à la dimension du voyage celle du huit clos dans une voiture, entre un père et un fils qui ont peu de choses en commun. Le voyage sera long et pas du tout touristique. C’est un pèlerinage qui part du sud de la France pour la Mecque. La voiture est bleue avec une portière orange et c’est Réda qui conduit son père.
Réda est français, son père est marocain. Il a vingt ans, repasse le bac, est amoureux de Lisa, parle à peine le dialecte et ne comprend rien à la religion musulmane, encore moins au sens d’un pèlerinage. Son père est âgé, peu bavard, autoritaire, profondément croyant et pratiquant et ce pèlerinage à la Mecque est le but de sa vie. On ne saura pas grand-chose d’autre sur eux. Ils sont d’abord un père et un fils qui se côtoient sans se connaître ni se comprendre. Alors trois semaines en voiture, c’est long. Mais c’est aussi l’occasion unique pour se rencontrer enfin.
Loin du message racoleur de la violence dont certains abusent pour parler de ces jeunes Français tiraillés entre deux cultures, Ismaël Ferroukhi nous montre une image plus réelle d’un jeune homme qui a d’abord des problèmes avec son père, avec les autres qui sont différents de lui. Malaise universel qu’il faut trimballer sur des milliers de kilomètres pour arriver à en parler. On est sensible à tous ces silences lourds de rancœur et ces gestes maladroits de réconciliation. A l’énergie du jeune homme qui veut bien connaître le monde maintenant qu’il est embarqué dans ce périple mais quand même, on pourrait visiter Venise… On est touché par le désir profondément religieux du père d’accomplir ce pèlerinage dans le temps, la difficulté et la prière.
Techniquement aussi, Le grand voyage est une œuvre très bien construite et on appréciera les scènes tournées à La Mecque, époustouflantes. Mais aussi, tout le rythme du film où ça et là, sont déposés des indices discrets qui sont le signe d’une réalisation parfaitement maîtrisée et construite. Et la façon dont Ismaël Ferroukhi évite, avec humour, certains pièges inhérents à ce genre de film. Autant d’invitations à prendre son billet pour ce Grand voyage.
Magali Van Reeth |
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