Gabrielle
De : Patrice Chéreau Avec : Isabelle Huppert et Pascal Gréggory
Sortie France le : mercredi 28 septembre 2005
France/Italie, 2004, 1h30.
Sélection officielle Venise 2005.
Un très beau film sur un huis clos conjugal qui dépasse de façon magistrale le cadre de son époque. Avec deux acteurs exceptionnels. |
Inspiré d’une nouvelle de Joseph Conrad, Le retour, ce nouveau film de Patrice Chéreau va bien au-delà de l’adaptation littéraire et permet à ce très grand réalisateur français d’exprimer son talent à l’intérieur d’un cadre assez rigoureux. Film en costume, posé dans un appartement somptueux de la bourgeoisie parisienne au début du 20° siècle, Gabrielle est aussi un huis clos entre un mari et une femme, d’une cruelle modernité. Cruelle, parce qu’on pourrait croire un instant que ce couple est victime des convenances sociales très fortes de l’époque.
Cruelle parce que la rupture que vit ce couple est tout à fait actuelle. Sûr de lui, imbus de sa réussite sociale et professionnelle, Jean a des idées bien arrêtées sur son mariage et sa femme. Jusqu’au jour où ce monde qu’il pensait si sûr, si définitif, s’écroule devant lui. Jean, qui pensait tout savoir, tout maîtriser, réalise qu’un autre monde existe, où vit sa femme et dont il ignorait tout. Plus que l’histoire d’une rupture conjugale, Gabrielle est le subtil récit de la défaillance d’un orgueilleux. Patrice Chéreau met en scène ce sujet fort et qui nous fait vaciller dans nos certitudes les plus intimes : qui sont réellement ceux que nous aimons et que nous disons si hâtivement bien connaître ?
Mais par sa forme aussi, Gabrielle est étonnant. Utilisation du noir et blanc et de la couleur pour rythmer le film ; lumière extrêmement travaillée, comme pour sonder au plus près les noirceurs de l’âme humaine ; utilisation de l’espace pour en montrer le vide, similaire au vide de certaines vies, qu’on ne voit pas tant on est occupé à en garder les limites. Et même jusque dans l’expression de la colère, de la rage, Patrice Chéreau trouve des artifices pour rendre le cri encore plus poignant. Un très beau film donc, avec des acteurs à la hauteur : Isabelle Huppert, par moment méconnaissable, comme si on ne l’avait encore jamais vue, et Pascal Gréggory, si pathétique et si bouleversant , tant dans ses certitudes que dans sa chute.
Enfin, pour ceux qui connaissent l’œuvre de Patrice Chéreau, il est amusant de noter à quel point Gabrielle est l’opposé absolu d’Intimité. Si le réalisateur le reconnaît, c’est presque avec une certaine surprise, un constat plus qu’une volonté claire de faire un film et son contraire.
Magali Van Reeth |
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