Rois et reine
De : Arnaud Desplechin Avec : Emmanuelle Devos, Mathieu Amalric, Hippolyte Girardot, Maurice Garrel, Jean-Paul Roussillon, Magali Woch.
Sortie France le : mercredi 22 décembre 2004
France, 2003, 2h30.
Un film intelligent qui aborde des sujets graves - filiation, folie, amour - avec une intelligence vive et un humour décapant, un vrai plaisir de cinéphile. |
Les grands films, c’est souvent comme les grands livres : une fois arrivé à la fin, on n’a qu’une envie, recommencer au début. Pour en savourer l’intelligence de la construction, pour retrouver ces personnages aux multiples facettes ou pour mieux comprendre l’ampleur des ressorts dramatiques. Le dernier film d’Arnaud Desplechin foisonne de thèmes : la filiation, la vie de famille, le couple, le bien et le mal, la folie. Rois et reine est une comédie dramatique antique, ancrée au cœur d’une humanité contemporaine où chaque personnage doit se battre entre les séquelles de son destin et l’urgence de son avenir. Malgré l’importance des sujets traités, rien n’est lourd, rien n’est sinistre. Au contraire, l’humour, l’élégance et l’ironie, tout comme la beauté des femmes et la déraison des hommes, confèrent à Rois et reine la légèreté de l’incontournable gravité du quotidien.
Nora est l’archétype de la femme belle, intelligente et raisonnable qui, élevant seule son fils de 10 ans, tente de lui assurer la meilleure vie possible en choisissant pour partenaire un homme riche et posé. Adulée par son père et par son futur mari, elle est résolument tournée vers la construction de cet avenir. L’autre personnage central est un homme pathétique, bouffon et presque fou, Ismaël, qui n’hésite pas à sortir habillé en tribun romain, dont il parle d’ailleurs couramment la langue. Tour à tour séduisant et horripilant, il se cogne aux femmes comme un papillon d’été à la lumière artificielle. A leurs côtés, un avocat toxicomane aux cravates trop criardes, un père débordant de bonté et de calme, une prêtresse noire habillée en psychanalyste, un vieil anglais dévoué et le fantôme d’un jeune homme.
Elégance est l’adjectif qui vient immédiatement sur les lèvres quand on pense à ce film. Que ce soit les dialogues, la finesse du montage ou la subtilité de la construction dramatique où les indices semés tout au long du film font peu à peu sens pour le spectateur. Que ce soit par la façon dont les sujets graves sont abordés - adoption, illégalité, culpabilité, remords, affection, amour et rupture - tout est tricoté entre délicatesse et ironie pour mieux bousculer le spectateur, enfin pris pour une personne intelligente capable de penser par elle-même.
Avec un final époustouflant d’intelligence, d’émotion et de retenue, Rois et reine est un vrai morceau de bonheur cinématographique !
Magali Van Reeth |
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